Pourquoi ne pas faire profiter les super yachts habitués des régates méditerranéennes, dont les propriétaires traversent l’Atlantique, l’hiver venu, pour disputer les plus belles épreuves des Caraïbes, des avancées architecturales issues de la course au large ? Fort de ce postulat, VPLP Design a développé le concept de Paragon, un 85 pieds aux performances inédites grâce à sa quille basculante et ses foils. Présentation par l’architecte associé Quentin Lucet et le designer Yann Prummel.
Les images tournées à Porto Cervo l’automne dernier de Flying Nikka, un 60 pieds doublant Tango, un Wally Cento une fois et demi plus grand, ont fait le tour de la toile et des réseaux sociaux. Six mois plus tard, Malizia, l’Imoca de 60 pieds sur plans VPLP Design de Boris Herrmann, améliorait de 23 milles le record des 24 heures détenu depuis 2015 par Comanche (100 pieds) – également conçu par l’agence, avec Guillaume Verdier – avec un total de 641,13 milles au compteur, soit 26,71 nœuds de moyenne. “Un autre signe fort, de ceux qui font s’interroger sur un changement possible de paradigme au moment de concevoir un bateau, note Quentin Lucet. Avant, c’était le plus grand le plus rapide. Aujourd’hui les foils rebattent les cartes.”
Ce constat a poussé VPLP Design à concevoir Paragon, projet de yacht de 85 pieds équipé d’une quille basculante et de foils. Destiné à un programme de régates autour de trois bouées et aux grandes classiques IRC (Middle Sea Race, Caribbean 600…), ce monocoque utilise de façon vertueuse ses foils pour alléger la plateforme et booster ses performances, dans un mode de navigation type skimming (le fait de frôler l’eau) plutôt que pur foiling. Les simulations numériques menées par VPLP Design et les routages effectués sur des parcours type Middle Sea Race ou Giraglia ont conduit à penser qu’un 85 pieds foiler peut battre un 100 pieds de conception classique. “Par rapport à un bateau de même taille à quille fixe, dit Quentin Lucet, un 85 pieds à quille pivotante et à foils économise 3 tonnes de plomb dans le bulbe et ne pèse que 20 tonnes.”
A la recherche de la perfection
Des chiffres à comparer également aux 50 tonnes d’un maxi de 100 pieds qui nécessite plus de 20 personnes à la manœuvre en régate. Le gain de masse et la réduction des efforts sur l’ensemble de la plateforme laissent entrevoir la possibilité de navigations avec des équipages deux fois moins nombreux que sur les maxis actuels. “D’autant que le maniement des foils se veut beaucoup plus simple que sur un Imoca, par exemple, poursuit l’architecte. On les sort sous voiles dès 10 nœuds de vent réel et on les rentre au port, en restant dans la largeur maxi du bateau.”
Si l’architecture de Paragon bouscule les tendances bien établies dans le yachting, il en est de même du design, intégré dès l’origine dans la réflexion globale. “Comme au démarrage de chaque projet, il faut poser des mots sur un concept. Trouver l’âme et la personnalité du navire”, raconte Yann Prummel, designer chez VPLP Design depuis 2020. Avant d’ajouter : “Une grande partie de notre processus créatif consiste à s’immerger dans l’univers qui gravite autour du projet. On s’éduque sur les dernières innovations et tendances, et identifions ce à quoi aspirent les clients, avant même de poser le crayon sur une feuille de papier. Le design n’est pas simplement esthétique, il résout des problèmes et a pour vocation de rendre un objet tel que Paragon, unique, pur et efficace, tout en répondant aux attentes de nos clients.”
Sur ce projet, l’art de la joaillerie a donné l’inspiration à l’équipe pour créer un concept minéral et minimaliste, Paragon étant d’ailleurs le nom d’un diamant sans défaut extrait au Brésil. Qu’il s’agisse du pont ou des superstructures, un vrai travail d’épure a conduit à supprimer tout superflu pour ne se concentrer que sur la perfection visuelle et l’expérience de la voile. “Le roof ne se détache pas du pont, il y a comme une fusion entre les deux qui donne naissance à un objet facetté et parfaitement intégré”, poursuit le designer. Un travail soigné qui met aussi en majesté l’immense pont en teck, un espace de détente mais aussi de manœuvre, qui profitera également des foils en navigation. “Plus le bateau accélère, plus le foil pousse et remet le bateau à plat, conclut Quentin Lucet. Ça change complètement la façon de vivre ces decks très larges, caractéristiques du lifestyle des yachts de régate.”