VPLP Design fête, cette année, ses 35 ans tandis que la Route du Rhum souffle ses 40 bougies. A quelques jours du départ, le 4 novembre, c’est l’occasion pour Vincent Lauriot-Prévost de revenir sur l’entrecroisement des histoires entre le cabinet et la mythique transat, dont les sept dernières éditions ont été remportées par des bateaux issus des planches à dessin de VPLP Design.
1978
« C’est l’année avant notre rencontre avec Marc [Van Peteghem] à l’école d’architecture de Southampton. Je regarde la Route du Rhum encore d’assez loin, mais Marc, lui, a pu naviguer en Guadeloupe sur Olympus, le trimaran de Mike Birch, premier vainqueur du Rhum. Il en revient avec des étoiles plein les yeux !”
1982
« J’assiste au départ à la télévision, et je me souviens que sur la ligne on trouve de tout : la flotte est vraiment éclectique, des trimarans de Walter Greene au prao Rosières de Guy Delage. L’année suivante, on fonde VPLP avec notre premier dessin, Gérard Lambert, un foiler de 50 pieds pour Vincent Lévy.”
1986
« Avec Marc, on est présent au départ à Saint-Malo, car le cabinet aligne pour la première fois deux bateaux sur le Rhum : Poulain, un trimaran de 23 mètres skippé par Olivier de Kersauson – qui battra, profondément transformé, le Trophée Jules Verne 10 ans plus tard sous le nom de Sport-Elec – et l’ex Gérard Lambert, devenu Calcialiment-Laiterie du Mont-Saint-Michel, barré par Olivier Moussy. Aux Açores, Olivier est 2e au général derrière Poupon, énorme star de l’époque, sur Fleury Michon qui mesure 23 mètres, c’est incroyable ! Mais il se fracasse contre un cargo chinois qui le récupère. Le bateau sera abandonné…”
1990
« C’est l’année du bateau de l’amour ! C’est comme ça que Florence Arthaud avait baptisé Pierre 1er, qu’on avait dessiné, avec cette décoration magnifique de Yannick Manier… D’un bout à l’autre du projet, il y a eu une superbe ambiance autour de ce bateau. Après le départ, tout a été assez harmonieux, et je me souviens que nous avons été invités à l’arrivée par la maman de Florence. Pour nous, cette victoire change tout : on finit devant Poupon, tu te rends compte ? D’autant que Laurent Bourgnon finit 3e avec RMO issu, lui aussi, du cabinet.”
1994
« On a peine à le croire, mais à l’époque, on comptait moins de 15 concurrents au départ du Rhum ! Pour nous, c’est le début des années Bourgnon, qui va dominer pour longtemps le multicoque en solitaire. Il gagne cette édition (devant Paul Vatine), sur son RMO devenu Primagaz. Laurent avait une sacrée équipe ; ce qui était intéressant, c’est qu’il faisait tout le temps évoluer son trimaran.”
1998
« L’année de notre premier triplé ! Bourgnon fait le doublé, et le podium est complété par Alain Gautier sur Brocéliande et Franck Cammas sur Groupama, nos deux nouveaux dessins. Je me souviens que Franck, qui débutait dans le multicoque océanique à 25 ans, n’en menait pas large au départ. Je me souviens aussi qu’on a fait une sacrée fête à l’arrivée à Gosier ! En général, il y a toujours de belles soirées, à l’Univers à Saint-Malo, comme en Guadeloupe…”
2002
« Par contre, en 2002, il n’y a pas eu de fêtes… Sur 18 trimarans Orma, il n’y en a que 3 à l’arrivée. La course a été stressante à suivre, il y avait deux abandons et deux avaries par jour ! Heureusement qu’il y a Michel Desjoyeaux, qui l’emporte finalement sur Géant après deux escales. Cette édition du Rhum a remis beaucoup de choses en cause ; au Salon nautique qui suit, tous les architectes ont mis leurs données en commun, et on a renforcé les zones d’impact où on mettait du Nomex. Tout le monde ne jurait que par ce matériau, alors qu’on manquait d’éléments pour bien connaître sa résistance aux chocs.”
2006
« Le one-man-show de Lionel Lemonchois ! Gitana 11 – ex Belgacom, que nous avons dessiné en 2001 – était un bateau très typé pour le large, avec des foils très horizontaux, qui rendaient le bateau assez sûr en solo sous pilote. Il pulvérise le record de Bourgnon de 1998 de près de 5 jours ! Le dernier-né du cabinet, Groupama 2, très typé pour les grands prix, termine 5e”
2010
« Ce Rhum-là est spécial, car avec la victoire de Franck Cammas sur Groupama 3, c’est la première fois qu’on se rend compte que de naviguer seul en sécurité sur des bateaux de plus de 30 mètres – qu’on n’appelle pas encore Ultim -, c’est possible, en faisant des choix de routage qui entraînent le moins de manoeuvres possible. On s’est aussi rendu compte qu’on pouvait gagner 3 tonnes sur Groupama 3 ! Alors on se dit que des tris avec un redressement de 160 tonnes/mètres au lieu de 120, comme on le faisait alors, c’est jouable en solo.”
2014
« En gagnant le Rhum à 54 ans sur le même bateau que Franck lors de l’édition précédente – rebaptisé Banque Populaire -, Loïck Peyron confirme qu’en naviguant intelligemment, on peut s’engager en solitaire sur ces multicoques-là. L’histoire aurait pu être différente : je me souviens qu’au deuxième jour de course, il nous appelle parce que l’un des bras de liaison est fissuré… Il finira sans s’arrêter, avec un bras cassé ! 2014, c’est aussi l’année de notre première victoire en Imoca avec Macif, la dernière course de François Gabart sur le bateau qui a gagné le Vendée Globe 18 mois plus tôt.”
2018
« Comme toutes les Routes du Rhum, c’est le grand point d’interrogation avant le départ ! La nouveauté, c’est que nos bateaux sont favoris dans trois classes. En Ultim, Macif, hégémonique jusqu’ici, est bien challengé par Edmond de Rothschild. En Imoca, ce Rhum va être une grosse étape pour Charal, dont c’est la première grande course après une courte mise au point : la course va nous en dire un peu plus sur la direction à prendre pour la V2 des foils. En Multi50, nos nouveaux plans Solidaires en Peloton et Ciela Village, vont connaître leurs baptêmes du feu. Pour le cabinet, le principal, c’est le premier bateau à Pointe-à-Pitre. Depuis 1990, à part l’édition 2002, où Ellen MacArthur arrive première en temps réel, cela a toujours été le cas.”