Forte des enseignements de The Ocean Race et de la Transat Jacques Vabre Normandie-Le Havre, l’agence VPLP Design continue sa réflexion et affine sa version de ce que pourrait être l’Imoca idéal pour le cycle quadriennal qui succédera au Vendée Globe 2024. Analyse avec Quentin Lucet et Antoine Lauriot-Prévost, architectes associés, ce dernier ayant embarqué à bord de Teamwork.net lors du convoyage retour du bateau de Justine Mettraux.
Après une Transat Jacques Vabre Normandie-Le Havre déjà riche en enseignements, Retour à La Base, qui vient de s’achever à Lorient, va fournir aux équipes Imoca une somme d’informations supplémentaires sur le maniement en solitaire de bateaux qui, dans moins d’un an, s’élanceront au départ de la dixième édition du Vendée Globe. “Le bilan est globalement bon sur le plan structurel, mais on voit bien à l’arrivée que certains bateaux n’ont pas été épargnés, nous nous félicitons donc d’avoir placé le curseur de la solidité assez haut sur Malizia-Seaexplorer, qui a bouclé un tour du monde et deux transats sans accroc”, commente Quentin Lucet.
Sur le plan de la performance, les Imoca de dernière génération ont montré qu’ils avaient clairement un plus au portant dans la brise, avec des équipages qui ont trouvé des modes de navigation mêlant des configurations de voiles très efficaces et un bon usage des foils. Les vitesses moyennes atteintes au portant VMG dans l’alizé supérieur à 20 nœuds – 23 nœuds de moyenne sur de longues périodes – montrent le gain généré par les nouvelles carènes davantage spatulées, ce qu’avait d’ailleurs déjà prouvé Malizia-Seaexplorer lors de The Ocean Race, notamment dans les mers du Sud.
“Les moyennes tenues ne nous ont pas forcément surpris mais il faut aussi rendre hommage aux équipages qui ont mené les nouveaux bateaux à un rythme très élevé, ajoute Antoine Lauriot-Prévost. Thomas (Ruyant) et Morgan (Lagravière) en particulier ont su faire la différence en barrant beaucoup, mais les six bateaux arrivés après les vainqueurs (dont Teamwork.net et Malizia-Seaexplorer, dessinés par VPLP Design) se tenaient en peu de temps.”
L’enjeu des foils, toujours renouvelé
Retour à La Base et les épreuves en solitaire inscrites au calendrier 2024 – The Transat CIC, New York Vendée-Les Sables d’Olonne puis le Vendée Globe – donneront d’autres indications sur le niveau de performance qu’il est possible d’atteindre en solitaire. “L’objectif est de trouver la configuration de foils la plus polyvalente pour voler à des vitesses moyennes élevées”, précise Quentin Lucet. “Nous avons fait un très gros travail de simulation depuis un an sur le sujet pour aboutir à une nouvelle version de foils 2023, qui a notamment été implantée sur Groupe Apicil. Le design de ceux qui équiperont Teamwork.net cet hiver est assez proche. Il privilégie un décollage tôt par l’immersion totale puis l’autorégulation, du fait d’une géométrie et d’une structure adaptées. »
Sur le simulateur SYD, développé en interne par VPLP Design, une multitude de formes d’appendices ont ainsi été étudiées, représentant l’état de l’art du moment. “La géométrie et les rayons de courbure des shafts ont tendance à converger aujourd’hui, mais il y a encore beaucoup de variantes sur les tips. Et puis, il y a tout ce qu’on ne voit pas : les sections, la déformation sous charge…”, précise Antoine Lauriot-Prévost. Le travail de simulation a notamment permis de poser des chiffres et des valeurs moyennes, issues d’études systématiques sur un parcours type Vendée Globe, et de se projeter au-delà de la prochaine édition. “La conception des nouveaux bateaux va commencer avant le prochain Vendée Globe, il faut déjà être prêt à répondre à la demande”, confirme Quentin Lucet.
Plusieurs équipes – en vue du Vendée Globe 2028 et/ou de The Ocean Race 2026/2027 – s’activent ainsi déjà sur des Imoca de nouvelle génération qui devront respecter le “Cap Carbone” fixé par la classe Imoca, voté en octobre dernier et qui s’imposera à partir du mois d’avril prochain. Une étude comparative est actuellement menée par les équipes de VPLP Design sur l’utilisation des moules et des outillages, le type de fibres employées et les modes de réalisation des coques et des appendices, afin d’en limiter l’empreinte environnementale.
Ce travail de fond s’accompagne d’un besoin de rester au contact des équipes tournées vers la performance, et donc de monter régulièrement à bord des bateaux. “Le fait de naviguer nous permet de continuer à progresser dans notre connaissance, mais aussi de parler le même langage que les teams, résume Antoine Lauriot-Prévost. C’est vrai pour tout ce qui concerne le maniement des appendices, bien sûr, mais aussi du séquençage de toutes les manœuvres pour bien anticiper les meilleurs positionnements d’accastillage. Les Imoca sont devenus très complexes et à la fois très aboutis : la performance se joue sur les détails. »