A la recherche d’un voilier rapide pour assurer une ligne maritime entre l’Europe et les États-Unis, la start-up bayonnaise VELA a fait appel à VPLP Design pour balayer le champ des possibles dans ce domaine presque vierge du transport de marchandises 100% décarboné. Ainsi est né le dessin d’un trimaran de 65 mètres gréé en goélette, capable de transporter en moins de 15 jours 350 tonnes entre la Nouvelle-Aquitaine et New York, manutentions comprises. Explications avec Simon Watin, associé en charge du pôle maritime de VPLP Design et Tanguy Leterrier, architecte chef de projet.
Lors des toutes premières discussions engagées entre VELA et VPLP Design à l’automne 2022, l’ambition des cinq créateurs de la start-up, François Gabart, Pierre-Arnaud Vallon, Thibault Charles, Michaël Fernandez Ferri et Pascal Galacteros, était de promouvoir un voilier rapide, capable de traverser l’Atlantique Nord en moins de deux semaines, quand un cargo traditionnel couvre le parcours en vingt jours, manutentions comprises. Avec un mot d’ordre de la part des commanditaires : ne s’interdire aucune audace et aller explorer toutes les pistes architecturales possibles, y compris des solutions jamais testées jusqu’à présent dans le transport maritime.
“Ça pousse nécessairement à faire de très grandes unités, explique Simon Watin, architecte associé et responsable du pôle Maritime de VPLP Design. Il faut donc beaucoup de puissance et un très gros moment de redressement pour assurer de bonnes vitesses.” Si pour des navires très chargés, la forme d’un monocoque reste la plus adaptée, le multicoque s’impose naturellement si la densité du chargement baisse au profit du volume. “Et là, en multicoque, le trimaran est meilleur que le catamaran, car il bénéficie d’une meilleure structure longitudinale permettant d’installer le plus grand plan de voilure possible et n’impose pas de dédoubler tous les systèmes”, poursuit Simon Watin.
Pour valider le concept, VPLP Design a toutefois préféré créer en amont deux bateaux virtuels sur lesquels ont été multipliés simulations numériques et routages, avec les équipes de MerConcept, sur la ligne Europe-États-Unis : “Un monocoque de 60 mètres avec deux ponts et un trimaran de 65 mètres au chargement transversal, précise Tanguy Leterrier, architecte en charge du projet chez VPLP Design. Avec ce dernier, on avait des gains significatifs à l’échelle d’une traversée avec le même emport, environ 350 tonnes, ce qui représente 560 palettes au format Europe (450 au format US).”
Un véritable voilier, rapide
et entièrement autonome
Ainsi est né VELA, qui, avec son gréement en goélette (deux mâts), ses 25 mètres de large et sa grue intégrée, accostera toujours bâbord à quai et sera autonome dans ses manutentions, notamment pour intégrer des ports secondaires sur sa route. Les flotteurs stabilisent la plateforme et c’est la coque centrale qui reprend la majeure partie du déplacement. Toute la difficulté a d’ailleurs été de trouver une géométrie et une répartition des volumes garantissant que les flotteurs restent en appui dans l’eau quand le bateau navigue à vide. “Nous voulions absolument éviter un système de ballastage complexe et susceptible de contribuer à l’invasion d’espèces non indigènes auquel sont condamnés les cargos”, explique Simon Watin. Le choix pour la construction s’est porté par ailleurs sur l’aluminium, matériau qui permet de gagner significativement en masse par rapport à l’acier traditionnel, tout en satisfaisant les exigences d’un navire de travail en termes de résistance structurelle.
Cette ambition de simplicité n’exclut pas de se conformer aux normes exigeantes de la marine marchande, régie par la convention internationale Solas (Safety of life at sea). “C’est pourquoi de nombreux bateaux, à l’image de Grain de Sail 2 construit aux chantiers Piriou de Concarneau, se limitent à un volume de moins de 500 « gross ton », qui est une frontière entre deux mondes normatifs”, explique Tanguy Leterrier. Avec un tonnage supérieur à 1000 « gross ton », VELA devra donc respecter le niveau le plus strict des normes. Les premiers échanges avec les Affaires maritimes et les sociétés de classification pour la définition du cadre réglementaire qui régira ce navire d’un nouveau genre ont ainsi fait partie intégrante de l’étude architecturale.
L’équipe de VELA souhaite que le bateau batte pavillon français, avec un équipage salarié permanent, et étudie de près la possibilité d’une construction dans l’Hexagone. “Plusieurs chantiers sont capables de réaliser ce type de construction en aluminium. La largeur réduit le nombre de candidats, et des solutions d’assemblage final à l’étranger restent possibles”, assure Simon Watin. Rien n’est figé non plus côté gréement, dont les deux mâts de 47 mètres culminent à 55 mètres de la surface de l’eau. Ils pourraient être en aluminium, compte tenu des angles de tir très ouverts que présente un trimaran, “mais il faudra passer par une construction custom car aucun profil d’extrusion n’existe dans ces tailles”, poursuit l’architecte associé.
Prévu pour naviguer à partir de 2025, VELA est “le fruit d’une belle rencontre avec des gens qui cherchent la différence et donnent une liberté précieuse aux concepteurs”, conclut Simon Watin. En interne, la conception complète nécessitera encore plusieurs mois de travail pour l’équipe, l’ambition à terme étant de créer une flotte de trimarans de fret aux performances encore inégalées sur la planète.