Équipé de ses quatre ailes depuis fin août, Canopée, cargo dessiné par VPLP Design et destiné au transport des éléments de la fusée Ariane 6, a été baptisé le 5 octobre à Bordeaux et s’apprête à débuter ses rotations des ports européens vers la Guyane. Ce navire innovant a donné l’impulsion à plusieurs autres projets de l’agence contribuant à la décarbonation du transport maritime.
Revenir à la propulsion par le vent pour décarboner le transport maritime, imaginer un concept d’aile simple, automatique et affalable, autant de sujets auxquels les architectes de VPLP Design réfléchissent depuis 2010, année de la victoire sur la 33e America’s Cup de USA 17 du défi BMW Oracle Racing. Ce trimaran dessiné par l’agence, doté d’un gréement très original – une immense aile rigide de 68 mètres -, a été un projet charnière, dans le sens où Marc Van Peteghem, cofondateur de VPLP, a souhaité s’en servir pour « transférer la technologie de l’aile rigide vers le transport maritime« .
En 2018, Ariane Group soumet un appel d’offres pour le transport des éléments de la fusée Ariane 6 des ports européens à Kourou, en Guyane. VPLP se positionne, en développant l’avant-projet d’un navire roulier, gréé avec les ailes Oceanwings de 363m², développées par l’agence, et en simule les économies de carburant. La compagnie maritime Zéphyr & Borée rejoint alors le projet, apportant son expertise pour adapter le dessin aux contraintes commerciales spécifiques au transport d’Ariane 6. Jifmar et Zéphyr & Borée s’associent dans le même temps pour créer la compagnie maritime Alizés, qui soumet et remporte l’appel d’offres. Jifmar Guyane en deviendra l’armateur.
Mis à l’eau fin juin 2022, le navire, qui devait répondre à des contraintes techniques importantes comme le transport de colis fragiles et dangereux, poursuit actuellement ses essais depuis le port de Brest, il a été officiellement baptisé le jeudi 5 octobre à Bordeaux, en attendant d’assurer ses premières rotations vers la Guyane, à l’automne. « Avec ce projet, VPLP Design a ajouté une nouvelle corde à son arc, se félicite Marc Van Peteghem. Et s’il y a de plus en plus de sociétés qui développent des solutions véliques pour le shipping, Canopée est particulier car nous avons effectué un vrai travail architectural afin d’adapter le plus possible ses formes à la propulsion vélique et d’augmenter leur efficacité hydrodynamique. »
Transfert de technologie
Pour VPLP Design, Canopée a été fondateur, puisqu’il a réellement lancé l’activité de l’agence dans le transport maritime à la voile décarboné. Plusieurs projets sont nés dans son sillage, à l’instar du Trade Wings 2500, un projet de porte-conteneurs dédié au transit entre ports secondaires en Europe. Son concept ? « Une propulsion hybride combinant six ailes Oceanwings, deux moteurs électriques et des carburants moins émetteurs comme le e-méthanol, permettant une réduction des émissions de CO2 de l’ordre de 35% à l’échelle d’une traversée de l’Atlantique », explique Simon Watin, directeur général associé et architecte en charge du pôle maritime.
L’agence s’est servie d’autres technologies développées dans la course au large, son cœur de métier historique, pour accélérer la transition énergétique du transport maritime. Le Fast Foiling Ferry (F3), qui existe en trois versions, est ainsi supporté par des foils pour réduire sa consommation de carburant jusqu’à 40%. Une version de 24 mètres dédiée au transport de 220 passagers autour de zones urbaines est actuellement en phase de commercialisation. Autre exemple : « Nous avons utilisé notre expérience du multicoque océanique pour concevoir la carène, déterminer la géométrie de la plateforme, et étudier la tenue à la mer du voilier-cargo Vela, ajoute Simon Watin. Ce trimaran de 65 mètres dédié au transport de marchandises entre l’Europe et les Etats-Unis répond à un cahier des charges de navire de travail tout en étant très rapide. »
Également né dans la lignée de Canopée, Persévérance, le navire avitailleur de l’expédition Polar Pod (la future station océanographique dérivante imaginée par Jean-Louis Etienne) a été mis à l’eau cet été au Vietnam. « Issu d’une collaboration avec Olivier Petit, l’architecte d’Antarctica (actuellement Tara), ce navire est pourvu d’une coque renforcée, d’un gréement adapté aux conditions extrêmes et d’une rampe de lancement pour déployer des embarcations légères », décrit Simon Watin. Et le responsable du pôle maritime d’ajouter : « Le challenge dans ces projets, c’est de pouvoir trouver un équilibre entre l’innovation et les prix d’investissement et de revient. L’idée n’est pas de créer un bateau-concept, mais bien un navire qui reste compétitif et réaliste d’un point de vue des lignes d’exploitation commerciale. » Canopée montre en tout cas la voie…