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Imoca Hugo Boss 6 plan VPLP et Verdier
© Mark Lloyd/Alex Thomson Racing

« À l’origine d’une rupture architecturale »

Avec 12 bateaux sur les 29 qui prennent le départ, dimanche 6 novembre, du Vendée Globe, VPLP Design est le cabinet d’architecte le plus représenté dans la flotte de cette 8e édition – à égalité avec team Verdier, bien sûr ! Retour sur une saga architecturale hors du commun avec Vincent Lauriot-Prévost.

 

Comment en vient-on, quand on est un cabinet spécialisé dans les multicoques, à dessiner des monocoques pour le Vendée Globe ?

Vincent Lauriot-Prévost : c’est un processus qui part d’un constat pragmatique. A la moitié des années 2000, on voit bien, après Groupama 2 et avec le déclin de l’Orma, que c’est la fin d’un cycle et on décide de se recentrer vers l’Imoca. Nous étions en contact avec Guillaume Verdier, que nous avions eu en stage et qui travaillait sur l’Hydraplanneur d’Yves Parlier après être passé par Finot-Conq, la référence en monocoque à l’époque. On se disait qu’on dessinerait bien un Imoca, mais ni lui, ni nous, n’avions assez de crédibilité séparément.

 

Et pourtant, en 2006, vous décrochez ensemble la commande de Safran…

Vincent Lauriot-Prévost : nous avions réfléchi à un projet d’Ultime pour Florence Arthaud, proposé à Safran. Puis, quand Safran a choisi l’Imoca, nous avons travaillé sur le dossier de Marc Guillemot, qui était candidat au poste de skipper. Quand il a été retenu par Safran, nous avons embarqué avec lui. Et le sponsor n’était pas contre être à l’origine d’une rupture architecturale.

 

Quelle a été cette rupture architecturale ?

Vincent Lauriot-Prévost : jusque-là, on faisait des bateaux lourds ET puissants ; nous, nous pensions que, comme en multicoque, on pouvait faire des monocoques puissants MAIS légers. Nous avons donc mené une chasse au poids drastique. Quant à la puissance, nous l’avons obtenue par des plans de forme plus carrés, avec des bouchains très marqués, tout le long de la carène. En même temps, on a reculé les gréements, avec des bômes plus courtes et des pentes d’étai plus importantes, qui permettaient de sortir les étraves de l’eau. On a beaucoup travaillé le tilt de la quille (son angle d’attaque) en l’augmentant fortement, on a développé des dérives courbes pour favoriser l’allégement dynamique, on a simplifié les efforts. Tout cela a donné, dès la première génération d’Imoca, des bateaux au comportement plus nerveux, plus véloce, plus facile. Nos premiers Imoca pesaient 1 à 1,5 tonnes de moins que la concurrence !

 

Foils architecture navale VPLP

 

Les foils représentent-ils une nouvelle rupture architecturale ?

Vincent Lauriot-Prévost : avant, quand on allégeait le bateau, on perdait du couple de redressement – et on l’acceptait. Aujourd’hui, on est capable, grâce aux foils, d’alléger un bateau sans perdre du couple, c’est la principale évolution de cette décennie, oui ! Et le tilt de quille, lui, est passé de 2 à 7 degrés, entraînant plus de lift et de portance dynamique. A 22-25 noeuds, un Imoca à foils divise presque par deux son déplacement, sans perte de puissance…

 

Le problème, c’est que les foils sont plus gênants qu’efficaces dans le petit temps et au près…

Vincent Lauriot-Prévost : les premières versions des foils n’étaient pas abouties, c’est vrai. Mais les V2 ont gommé une bonne partie des imperfections. Nous avions conçu des shafts asymétriques pour générer de la force verticale, mais à la gite, nous nous sommes aperçus qu’ils fonctionnaient à l’envers : en fait, c’est le coude entre le tip et le shaft qui délivre la force verticale. Nous avons donc dessiné des shafts symétriques, les plus neutres possible, et les V2 ont beaucoup gagné en stabilité.

 

Comment s’annonce la prochaine génération d’Imoca ?

Vincent Lauriot-Prévost : sauf en cas de Bérézina, la jauge ne devrait pas radicalement évoluer. Nous avons suggéré de réfléchir à l’équité entre anciens et nouveaux bateaux, les premiers étant très favorisés par l’actuelle jauge : ils peuvent garder leurs mâts et le renforcer, alors que les nouveaux Imoca sont clairement limités par leur mâts monotypes. Côté design, nous allons réfléchir à une évolution des formes de coques, qui pourraient, par exemple, être plus étroites ; il ne faut pas oublier que toutes les équipes nous avaient demandé des carènes prévues pour revenir aux dérives, au cas où les foils ne fonctionneraient pas ! Mais, pour l’instant, personne ne nous l’a demandé…