Article initialement publié par Mer et Marine en partenariat avec l’agence Sea to Sea.
Le cabinet d’architecture navale VPLP Design, fondé par Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot Prévost a, depuis toujours, inscrit dans son ADN l’innovation, la recherche de performance et des designs adaptés aux contraintes et aux exigences du monde marin. L’entreprise jouit d’une réputation internationale dans le domaine de la course au large. Elle accompagne aussi depuis de nombreuses années l’industrie maritime en concevant des navires professionnels d’un nouveau genre et en proposant des technologies pour permettre au secteur de changer et d’accélérer sa décarbonation. Aux côtés des industriels du secteur, l’entreprise entend ainsi contribuer à inventer le transport maritime de demain. Le point avec Simon WATIN, président de VPLP Design, également en charge des projets maritimes.
Comment VPLP Design accompagne l’industrie maritime ?
VPLP est un cabinet d’architecture navale qui a bientôt 40 ans d’existence. Nous sommes 35 collaborateurs répartis dans trois agences à Paris, Nantes et Vannes. Nous intervenons dans trois domaines d’activités principaux qui sont la course au large, notre cœur de métier historique, la plaisance – que ce soit la plaisance de série ou la grande plaisance – et enfin, le maritime qui recouvre l’ensemble des navires à usage professionnel que nous allons concevoir ou optimiser. Nous intégrons différents métiers avec de purs architectes navals mais également des capacités d’études en termes de structure ou en aéro, hydrodynamique et performance ainsi qu’une équipe de design industriel. Cela nous permet de réfléchir en amont à la conception de navires autour de l’usage, des contraintes fonctionnelles ou réglementaires. L’application de notre savoir-faire dans le secteur maritime consiste à imaginer et à concevoir des navires professionnels d’un nouveau genre. Nous sommes une équipe de 5 personnes dédiée aux projets maritimes et en capacité à dessiner, concevoir, étudier des navires innovants et qui puissent répondre aux enjeux du secteur. Nous avons à cœur d’opérer un transfert de savoir-faire et de technologies pour contribuer à la décarbonation des navires, notamment par la propulsion vélique et l’utilisation de foils.
Pourquoi la propulsion par le vent et pourquoi maintenant ?
C’est un sujet qui n’est pas nouveau chez VPLP. Cela fait une dizaine d’années que nous y travaillons, que nous discutons et proposons aux acteurs du monde maritime l’utilisation du vent, à différents niveaux d’importance, comme auxiliaire à la propulsion ou comme propulsion principale. Cela a commencé lors de la conception de l’aile rigide de 68 mètres implantée sur le trimaran BMW Oracle dessiné par VPLP qui a remporté l’America’s Cup en 2010. Plusieurs années de R&D, dont un premier prototype Oceanwings® de 21 m² en 2016 ont abouti à la construction du premier démonstrateur industriel OW 3.2 de 32 m² et à la création de la société Ayro en 2018. Aujourd’hui, les ailes rigides Oceanwings® OW 3.6.3 (363 m²) vont être installées sur le premier cargo à voiles.
Toutes ces réflexions que nous menons avec ceux qui exploitent, construisent, équipent ou financent ces navires tournent autour de ce que devrait être un navire propulsé par le vent et ce que pourrait être une voile moderne ou un moteur éolien adapté à la navigation professionnelle aujourd’hui. Nous n’allons pas revenir à la marine à voile avec des phares carrés et des ficelles partout ! Il y a un besoin de technologies et de solutions permettant d’utiliser la force du vent pour réduire mécaniquement la puissance propulsive, la consommation de carburant et les émissions de carbone. VPLP Design est associé depuis sa création à la coalition pour la transition écoénergétique du maritime, aux côtés du Cluster Maritime Français et de l’ensemble de la filière et sommes impliqués dans le nouvel Institut MEET2050 (Maritime Eco-Energy Transition towards 2050), qui vise à accompagner le déploiement de navires-concepts embarquant des énergies décarbonées et des technologies alternatives. Nous sommes également membres de The International Windship Association (IWSA) et de l’association Wind Ship. Nous apportons une réflexion globale et des briques technologiques dans un cadre qui évolue d’autant plus vite du fait de la nécessité de changer et de la pression liée aux enjeux climatiques et à la réduction de l’impact carbone. La propulsion par le vent intéresse aujourd’hui de nombreux industriels. C’est une solution disponible et une énergie renouvelable et gratuite. Nous abordons ce « nouveau marché » en apportant une couche technologique complémentaire issue de notre expérience. Le maritime est prêt et VPLP est prêt depuis longtemps pour accompagner la transition du secteur.
Sur quoi s’appuie votre expertise et quelles sont les technologies les plus prometteuses ?
Concrètement nous avons une expertise technique forte sur l’utilisation du vent et des voiles, la capacité à concevoir ou à étudier différents types de solutions véliques et trouver la plus adaptée au programme du bateau, en termes de prix, en stabilité, en complexité ou en impact sur les opérations commerciales quelles qu’elles soient. L’autre point technique sur lequel nous avons une réelle expertise et que nous souhaitons développer pour des projets plus spécialisés, c’est l’usage des foils, plutôt sur des navires légers à haute vitesse. On s’affranchit ainsi de la trainée hydrodynamique de coque pour faire voler le bateau au-dessus de l’eau ce qui permet de diviser la consommation par deux à haute vitesse.
Enfin, une autre brique technologique que nous poussons avec notre expérience course et nautisme, c’est l’utilisation du composite dans certaines applications de navires de travail, essentiellement pour du gain de masse, de la légèreté et donc une réduction de la consommation. Pour des projets de course, nous avons toujours été très innovants et défricheurs sur la capacité à pousser des bateaux plus légers, plus puissants, avec plus de capacité à porter de la toile tout en privilégiant la simplicité. C’est ce genre de design que nous pensons pouvoir appliquer avec succès sur des navires de travail. Des navires plus légers, plus simples, plus efficients, dans le cadre actuel de la nécessité de réduction des émissions, c’est vers cela qu’il faut aller pour inventer le transport maritime de demain.
Quels sont les principaux projets de VPLP Design dans le maritime actuellement ?
Le projet phare qui va bientôt voir le jour et dont nous sommes très fiers, c’est Canopée, le premier gros navire commercial à utiliser le vent. Ce navire roulier de 120 mètres sera mis à l’eau en fin d’année pour transporter les éléments de la fusée Ariane 6. C’est vraiment l’aboutissement d’une démarche engagée par VPLP sur le long terme et qui a lancé la création d’Ayro, société qui vole aujourd’hui de ses propres ailes. Elle construit et commercialise les Oceanwings®, ces ailes de propulsion, ce moteur aérien sur lequel nous travaillons depuis 2010.
Nous travaillons également sur la conception de Persévérance, voilier d’exploration et de ravitaillement polaire de 40 mètres en alu. Ce navire à double vocation qui utilise le vent comme propulsion principale pourra transporter plusieurs tonnes de matériel et effectuer des relèves scientifiques pour la future station océanographique Polar Pod. Nous l’avons entièrement conçu en collaboration avec Olivier Petit qui est aussi l’architecte de Tara (ex Antarctica). C’est un pur voilier, deux mâts goélette, avec des voiles classiques, pour lequel nous avons recherché la simplicité dans le gréement et les manœuvres. Nous avons réalisé un gros travail sur l’ergonomie et la dissociation entre les fonctions ravitaillement d’une part, avec la mise à l’eau et la récupération des zodiacs (DROM) et d’autre part, la manœuvre maritime des voiles.
Le projet plus récent est le Fast Foil Ferry « F3 » (Prononcez F Cube NDLR) sur lequel nous travaillons avec Alwena shipping et Mer Concept depuis plusieurs mois. Ce sont deux versions d’un ferry volant à foils qui permettra de naviguer à vitesse élevée au-dessus de l’eau : 35 nœuds pour une version et 45 nœuds pour une autre. L’objectif étant d’assurer un service de transport de passagers en réalisant des économies de carburant significatives de l’ordre de 40% à vitesse identique par rapport à un catamaran classique.
Vous serez présents à Marseille au salon Euromaritime, qu’y présenterez-vous ?
Euromaritime est un salon de référence des professionnels du monde maritime sur lequel nous exposerons avec Alwena Shipping. C’est important pour nous d’être visible, d’y rencontrer les chargeurs, les armateurs et les industriels pour leur proposer notre expertise. Nous y présenterons le projet du ferry à foil F3 avec ses deux versions : une version de 30 mètres pour le transport professionnel offshore et une version de 24 mètres pour le transport urbain dans les grandes villes tournées vers la mer.
Nous présenterons aussi Trade Wings 2500, un avant-projet de porte-conteneurs de 2500 EVP à ailes pour lequel nous avons obtenu une approbation de principe AIP par Bureau Veritas et que nous avons réalisé avec Alwena Shipping, Ayro pour les ailes et CSSC-SDARI, bureau d’études de référence dans le porte-conteneurs en Chine. C’est l’aboutissement d’un travail collaboratif avec des acteurs très complémentaires qui nous permet de sortir un projet de navire adapté aux usages des professionnels armateurs et qui permet de réaliser des économies réelles de carburant avec l’utilisation des ailes. Nous avons apporté une réflexion sur la capacité du navire, les opérations portuaires de chargement et de déchargement, qui sont extrêmement optimisées sur les porte-conteneurs actuels, de manière à intégrer les ailes dans le navire avec le moins d’impact possible sur les opérations. Nous avons mutualisé la structure des ailes et la structure du navire et créé un système d’ascenseur pour effacer les ailes lors des opérations portuaires. Nous avons essayé de concevoir un nouveau type de navire qui répond aux exigences de cette chaîne logistique globale optimisée et apporte un vrai plus en matière de réduction de consommation et d’impact carbone.
Nous sommes très actifs au sein de la filière vélique. Notre présence à Euromaritime est une nouvelle occasion de montrer notre réelle volonté de promouvoir ces technologies dans l’industrie maritime et au-delà, cette vision d’avenir d’une navigation décarbonée.